Réponse à l’éditorial : « Fredericton, Ottawa et les autres » paru dans l’Acadie NOUVELLE du jeudi 12 juillet 2007.
La décentralisation des services gouvernementaux
Le programme de décentralisation du gouvernement fédéral des années 1970 connu certainement plus de succès en terme de développement régional que le ministère de l’Expansion économique régional (MEER) dans toute ses années d’opérations. Bref, « MEER, malgré ses efforts, n’a jamais réussi à attirer autant d’emplois dans des collectivités telles que Matane, Shédiac, Bathurst et même Charlottetown » (Savoie, 1993). Néanmoins, ce programme fut « à toutes fins pratiques abandonné, soudainement, au début des années 1980 » (ibid.) et encore de nos jours, la décentralisation au sein du gouvernement fédéral, tel que souligné par le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Michael Fortier, « [n’est pas] dans les cartes » (L’Acadie NOUVELLE, 2007).
Mais pourquoi ne pas décentraliser davantage d’opérations si cela comporte tellement d’avantages? Il demeure que « les ministères et les organismes dont la fonction principale est de coordonner des politiques et des programmes à l’échelle nationale, ainsi que les services chargés d’assurer la conformité aux politiques gouvernementales » (Savoie, 1986) se prêtent mal à la décentralisation. Mais les services gouvernementaux qui sont « relativement autonomes au sein des ministères organiques traditionnels » (ibid.)… pourquoi ne pas décentraliser leurs unités administratives en région? Si ce n’est que pour la simple raison de réduire les coûts d’opérations de la fonction publique? En fait, cela n’est pas si simple au Canada.
Je m’explique. Le véritable problème réside dans le fait qu’il n’existe pas de « différentiel salarial entre les régions pour une même catégorie d’emploi au sein de la fonction publique [du Canada] » (Service d’information et de recherche parlementaires, 2006). Au Canada, « à égalité de rang, un fonctionnaire gagne le même salaire et bénéficie des mêmes avantages sociaux, qu’il travaille à Ottawa ou Shédiac » (ibid.). Puisque le salaire et avantages sociaux comptent pour la majeur partie des coûts nets des activités de fonctionnement dans la fonction publique du Canada, le principal motif de la décentralisation des emplois fédéraux vers les régions (dont notamment la réduction des coûts d’opérations) n’a tout simplement pas autant d’ampleur.*
On peut également soulever la question de la justice sociale lorsqu’un fonctionnaire à Ottawa - à égalité de rang - gagne le même salaire qu’un fonctionnaire à Bathurst mais que le premier doit dépenser une plus grande part de son revenu sur les biens de « survie » (ex. logement, nourriture, assurance, etc.). Bref, le revenu discrétionnaire d’un fonctionnaire fédéral - la différence entre le revenu disponible et les dépenses des ménages allouées aux « nécessités » - (Statistique Canada, 1991) est grandement influencé par les facteurs géo-économiques et non basé uniquement sur le mérite. Ceci dit, un fonctionnaire travaillant à Shédiac – à égalité de rang – devrait être rémunéré à X% du salaire de son homologue vivant à Ottawa afin d’assurer un même niveau de qualité de vie (le pouvoir d’achat demeurant constant).
Alors pourquoi ne pas simplement ajuster les salaires des fonctionnaires en fonction du coût de la vie de la région afin de rétablir la justice sociale et d’inciter le gouvernement fédéral à décentraliser davantage d’emplois en région?
Bref, l’ajustement pourrait être calculé à partir de l’indice de prix à la consommation (IPC) qui sert « d’indicateur général de l'évolution du coût de la vie au Canada »** (Banque du Canada, 2000) et les salaires de la région de la capitale nationale (RCN) pourrait servir de région de référence (indice, RCN = 100). Par conséquent, selon l’IPC des régions métropolitaines tirés de Statistiques Canada (2001), un salaire annuel de 100 000 $ à Ottawa (RCN) serait alors équivalent à 92 280 $ pour St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador ou 95 960 $ pour Thunder Bay, Ontario.
Les ministères fédéraux pourraient ensuite estimer leurs coûts nets des activités de fonctionnement selon l’emplacement de leurs bureaux dans diverses régions du Canada et calculer la valeur actuelle nette (VAN) d’une décentralisation de « X » emplois dans une communauté ciblée. Les régions cibles seraient normalement celles ayant un coût de la vie relativement bas, un taux de chômage élevé, une forte dépendance sur l’industrie du tourisme et une main-d’œuvre bilingue. Somme toute, la fonction publique du Canada pourrait ainsi épargner des millions de dollars en salaire à ses fonctionnaires tout en contribuant à l’épanouissement de nos régions.
Hélas, le réflexe des fonctionnaires en régions et de leurs syndicats serait d’opposer une telle réforme alors qu’Ottawa persistera à centraliser les nouveaux emplois de la fonction publique dans la région de la capitale nationale (RCN). Effectivement, la présence fédérale dans la RCN se mesure à 31,1% de la part des emplois fédéraux – Montréal arrive au second rang avec seulement 7% des emplois fédéraux (Service d’information et de recherche parlementaires, 2006).
Si seulement les salaires des fonctionnaires fédéraux étaient ajustés en fonction du coût de la vie, les régions n’auraient peut-être plus à se battre avec les élus fédéraux afin de les convaincre de décentraliser davantage d’emplois. Au contraire, le gouvernement devrait à son tour tenter de convaincre le public que la majorité de ses emplois fédéraux doivent nécessairement être situés près du parlement à Ottawa.
http://www.capacadie.com/AcadieNouvelle/2007/8/11/La_decentralisation_376.cfm
*Il suffit d’observer l’effet d’un « différentiel salarial spatial » auprès des employés d’État sur les politiques de décentralisation des pays tels que la France, le Royaume-Uni ou l’Italie.
**Il est à noter que l'indice des prix à la consommation n'est pas véritablement un indice du coût de la vie, bien que l'on ait tendance à l'appeler ainsi.
La décentralisation des services gouvernementaux
Le programme de décentralisation du gouvernement fédéral des années 1970 connu certainement plus de succès en terme de développement régional que le ministère de l’Expansion économique régional (MEER) dans toute ses années d’opérations. Bref, « MEER, malgré ses efforts, n’a jamais réussi à attirer autant d’emplois dans des collectivités telles que Matane, Shédiac, Bathurst et même Charlottetown » (Savoie, 1993). Néanmoins, ce programme fut « à toutes fins pratiques abandonné, soudainement, au début des années 1980 » (ibid.) et encore de nos jours, la décentralisation au sein du gouvernement fédéral, tel que souligné par le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Michael Fortier, « [n’est pas] dans les cartes » (L’Acadie NOUVELLE, 2007).
Mais pourquoi ne pas décentraliser davantage d’opérations si cela comporte tellement d’avantages? Il demeure que « les ministères et les organismes dont la fonction principale est de coordonner des politiques et des programmes à l’échelle nationale, ainsi que les services chargés d’assurer la conformité aux politiques gouvernementales » (Savoie, 1986) se prêtent mal à la décentralisation. Mais les services gouvernementaux qui sont « relativement autonomes au sein des ministères organiques traditionnels » (ibid.)… pourquoi ne pas décentraliser leurs unités administratives en région? Si ce n’est que pour la simple raison de réduire les coûts d’opérations de la fonction publique? En fait, cela n’est pas si simple au Canada.
Je m’explique. Le véritable problème réside dans le fait qu’il n’existe pas de « différentiel salarial entre les régions pour une même catégorie d’emploi au sein de la fonction publique [du Canada] » (Service d’information et de recherche parlementaires, 2006). Au Canada, « à égalité de rang, un fonctionnaire gagne le même salaire et bénéficie des mêmes avantages sociaux, qu’il travaille à Ottawa ou Shédiac » (ibid.). Puisque le salaire et avantages sociaux comptent pour la majeur partie des coûts nets des activités de fonctionnement dans la fonction publique du Canada, le principal motif de la décentralisation des emplois fédéraux vers les régions (dont notamment la réduction des coûts d’opérations) n’a tout simplement pas autant d’ampleur.*
On peut également soulever la question de la justice sociale lorsqu’un fonctionnaire à Ottawa - à égalité de rang - gagne le même salaire qu’un fonctionnaire à Bathurst mais que le premier doit dépenser une plus grande part de son revenu sur les biens de « survie » (ex. logement, nourriture, assurance, etc.). Bref, le revenu discrétionnaire d’un fonctionnaire fédéral - la différence entre le revenu disponible et les dépenses des ménages allouées aux « nécessités » - (Statistique Canada, 1991) est grandement influencé par les facteurs géo-économiques et non basé uniquement sur le mérite. Ceci dit, un fonctionnaire travaillant à Shédiac – à égalité de rang – devrait être rémunéré à X% du salaire de son homologue vivant à Ottawa afin d’assurer un même niveau de qualité de vie (le pouvoir d’achat demeurant constant).
Alors pourquoi ne pas simplement ajuster les salaires des fonctionnaires en fonction du coût de la vie de la région afin de rétablir la justice sociale et d’inciter le gouvernement fédéral à décentraliser davantage d’emplois en région?
Bref, l’ajustement pourrait être calculé à partir de l’indice de prix à la consommation (IPC) qui sert « d’indicateur général de l'évolution du coût de la vie au Canada »** (Banque du Canada, 2000) et les salaires de la région de la capitale nationale (RCN) pourrait servir de région de référence (indice, RCN = 100). Par conséquent, selon l’IPC des régions métropolitaines tirés de Statistiques Canada (2001), un salaire annuel de 100 000 $ à Ottawa (RCN) serait alors équivalent à 92 280 $ pour St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador ou 95 960 $ pour Thunder Bay, Ontario.
Les ministères fédéraux pourraient ensuite estimer leurs coûts nets des activités de fonctionnement selon l’emplacement de leurs bureaux dans diverses régions du Canada et calculer la valeur actuelle nette (VAN) d’une décentralisation de « X » emplois dans une communauté ciblée. Les régions cibles seraient normalement celles ayant un coût de la vie relativement bas, un taux de chômage élevé, une forte dépendance sur l’industrie du tourisme et une main-d’œuvre bilingue. Somme toute, la fonction publique du Canada pourrait ainsi épargner des millions de dollars en salaire à ses fonctionnaires tout en contribuant à l’épanouissement de nos régions.
Hélas, le réflexe des fonctionnaires en régions et de leurs syndicats serait d’opposer une telle réforme alors qu’Ottawa persistera à centraliser les nouveaux emplois de la fonction publique dans la région de la capitale nationale (RCN). Effectivement, la présence fédérale dans la RCN se mesure à 31,1% de la part des emplois fédéraux – Montréal arrive au second rang avec seulement 7% des emplois fédéraux (Service d’information et de recherche parlementaires, 2006).
Si seulement les salaires des fonctionnaires fédéraux étaient ajustés en fonction du coût de la vie, les régions n’auraient peut-être plus à se battre avec les élus fédéraux afin de les convaincre de décentraliser davantage d’emplois. Au contraire, le gouvernement devrait à son tour tenter de convaincre le public que la majorité de ses emplois fédéraux doivent nécessairement être situés près du parlement à Ottawa.
http://www.capacadie.com/AcadieNouvelle/2007/8/11/La_decentralisation_376.cfm
*Il suffit d’observer l’effet d’un « différentiel salarial spatial » auprès des employés d’État sur les politiques de décentralisation des pays tels que la France, le Royaume-Uni ou l’Italie.
**Il est à noter que l'indice des prix à la consommation n'est pas véritablement un indice du coût de la vie, bien que l'on ait tendance à l'appeler ainsi.